Trace In_Time

Exposition du 19 au 29 novembre 2015

Ouvert du jeudi au dimanche de 14 à 20h (sauf dimanche 22, exposition fermée)

Vernissage : vendredi 20 novembre à partir de 18h30

Galerie des AAB, 1 rue Francis Picabia, 75020 Paris (métro Couronnes)

Communiqué de presse

 

Commissaire : Eirini Stavrakopoulou

Exposants : Claudio Cravero, Stéphan Norsic, Eirini Stavrakopoulou, mo-h, Roberta Toscano.

 

 “La trace d’un rêve n’est pas moins réelle que celle d’un pas.”

Georges Duby

 

La trace représente une expérience et présuppose l’existence d’un rapport. La trace symbolise la perte: la perte de l’objet qui la constitue en tant que trace et simultanément symbolise son existence ; elle est celle qui porte et active la mémoire historique de l’objet disparu. La trace est toujours considérée dans un fond historique et en liaison à la mémoire.  L’exposition Trace In_Time s’interroge sur le lien entre la trace du réel et la trace de la représentation photographique. Les cinq photographes approchent dans leur travail le sujet du temps et de la trace et donnent sens de manière diverse à ce rapport.

 

Roberta Toscano, avec son travail En attendant , sort des chaises de salles d’attente de clients, utilisées tous les jours par les prostituées dans le milieu de leur travail et les insère dans un nouvel environnement. Elle les  délibère d’un espace bien privé  et  d’une utilisation spécifique et les met en plein air, dans un espace sans murs ni limites. Les chaises existent dans le nouvel environnement en attendant … peut-être une nouvelle vie ou un nouveau voyage. Les traces de ces objets arrivent à communiquer le fil du temps, mais sont incapables de faire le lien avec leur histoire. Il s’agit d’objets sans mémoire. De la même manière que les chaises ont existé longtemps dans un espace où l’anonymat et l’oubli dominaient, elles se retrouvent maintenant dans un nouvel espace en tant que témoins muets. Les photographies de Roberta Toscano parviennent à empêcher tout récit possible à partir des traces de ces objets leur attribuant une nouvelle identité. 

 

En revanche, dans Fantasmi de Claudio Cravero, la trace représentée dans son espace d’origine arrive à maintenir sa capacité de narration de sa propre histoire.

Il s’agit de traces dans des espaces abandonnés …des traces laissées derrière qui arrivent également à transmettre une partie de la vie disparue …des traces-fantasmes. Les images de Claudio Cravero avec une esthétique de la nostalgie, laissent le temps couler dans l’espace, au travers des rayons de la lumière. Les traces de l’espace racontent leurs histoires jusqu’au coucher du soleil. La trace de l’objet qui n’est plus là, coexiste dans une harmonie avec la trace de la lumière qui est toujours là. Ce travail semble avoir gagné le pari du temps et face à l’incontestable perte, nous fait accéder à la permanence du fugace.

 

On retrouve la fugacité chez Mona Hubert (Mo-h) avec la série Je cherche un pays, mais cette fois-ci la fugacité concerne l’espace. Dans ces images où tout est en mouvement, le temps semble cependant s’être arrêté et l’artiste en mesure de façonner son espace tranquille. La trace est ici directement reliée à l’expérience et à la mémoire du photographe. Les lieux se prêtent à la représentation du passage, du moment de transition, qui s’étire et se développe sans notion du temps. L’existence d’un rapport entre le photographe et l’espace de la prise de vue est une condition de base de la photographie. Mais dans ce travail, où le rapport au lieu est mis en question et ou l’exploration se situe entre réel et imaginaire, la trace photographique crée les conditions préalables à une nouvelle expérience … histoire …  mémoire, dans le nouveau topos qui se forme.

 

Dans le travail Still Alive d’Eirini Stavrakopoulou on retrouve également la notion d’un nouvel espace. Ici la trace photographique questionne l’espace de la représentation. Avec la photo, la trace du réel se transfère sur une image qui exclue la matérialité. Ainsi, elle représente également la perte réelle de l’existence matérielle. Mais la photographie en tant que trace est aussi capable de créer une nouvelle mémoire au spectateur, même dans le cas où celui-ci n’est pas la personne qui a formé sa trace. Sur la photo la notion de l’histoire concerne non seulement le temps passé mais potentiellement aussi le temps à venir. Le travail Still Alive se meut entre les deux temps et s’expose aux potentiels de la nouvelle mémoire acquise à partir de la trace photographique.

 

Dans la série de Stéphan Norsic (La jeune femme au chewing gum) il n’y a pas d’expérience désignée dès lors que dans ces représentations la trace n’est pas visible ; c’est-à-dire qu’il n’est pas souscrit sur une expérience. Le changement de forme du chewing gum détermine le temps qui traverse le triptyque. Le résultat nous met devant un paradoxe : Les éléments identiques des trois représentations à la fois soutiennent la narration du triptyque et en même temps suggèrent l’absence de la trace comme une empreinte en creux de la mémoire et de l’expérience.

L’objet de chewing gum qui a un caractère éphémère détermine le temps dans l’œuvre. La figure de cet objet de caractère éphémère en combinaison avec l’apathie apparente de l’expression de la femme soulignent l’élimination de la trace. Au niveau de la représentation c’est comme si on voit une image au dessus d’une autre. Il s’agit de deux temps qui partagent le même espace.

 

L’exposition Trace In_Time pose la question du temps de l’image photographique au travers de la représentation de la trace et de manière sous-jacente interroge le rapport entre la trace du réel et celle de sa représentation.

 

Eirini Stavrakopoulou